De la Drôme à la Côte d'Azur, une famille pas vraiment sur la route des
vacances.
Le père, la mère, leurs deux filles cadettes. Et le grand-père, Elie, déjà
très âgé. Il a près de 70 ans.
La petite troupe pose ses bagages à deux pas de la grande bleue. Quartier
Sainte-Marguerite, à La Garde dans le Var, bien connue pour ses falaises et ses
grottes. Mais ils n'ont pas grand chose, et pour cause, ce sont des
paysans.
Que viennent-ils faire ici ? L'envie de repartir de zéro à l'air marin ?
Après l'hiver 1740, le plus froid depuis bien longtemps, ont-ils tout perdu ?
Est-ce qu'ils ont fui leur terre natale de la Drôme provençale ?
C'est le curé de Montjoux qui dresse l'acte de mariage de Jean Antoine
Guiminel avec Marie Chicot le 10 janvier 1719. Un acte très succinct. Pas de
filiation et simplement la mention "mes paroissiens". Certainement
pour signifier que le jeune couple professe la religion prétendue réformée.
Hérétiques.
Peut-être ont-ils été chassés du village ? Mais alors pourquoi les deux
aînés, Marie et Pierre, sont restés dans la région ?
Au début des années 1740, Elie Guiminel, son fils Jean, sa femme Marie et
deux filles de ces derniers, Thérèse et Lucresse, s'installent donc dans le
Var. Loin de leurs proches. Mais avec l'envie de rester durablement.
Lucresse, la petite dernière de la famille, veut se marier. Et c'est un
problème pour le très strict curé de La Garde : les Guiminel sont protestants.
Et semblent très attachés à leur foi. Surtout la mère, Marie Chicot, originaire
d'une ancienne famille protestante de Montjoux connue dès le milieu du XVIe
siècle.
Alors en ce dimanche 9 janvier 1746, le curé rédige un acte d'abjuration
dans son registre.
Source : AD83 7 E 66/1 BMS La Garde
L'acte concerne "Jean, Thérèse et Lucresse Ghiminel ses filles",
ces derniers "ayant reconnu que hors la vraie Eglise il n'y a point de
salut, de leur bonne volonté et sans aucune contrainte, ils ont fait profession
de la foi catholique apostolique et romaine, et fait abjuration de l'hérésie de
Calvin".
Et l'année suivante, Lucresse épouse Jean Laveine, lui aussi installé au
village depuis plusieurs années. Il venait de Cabris dans le diocèse de Grasse.
Dans l'acte de mariage, le sévère curé prend bien soin d'indiquer que Marie
Chicot ne s'est pas convertie. Il a en effet "donné la bénédiction nuptiale
selon le rite de notre Sainte mère l'Eglise catholique apostolique et romaine,
en présence de leurs père et mère quoique icellecy de la religion
calviniste".
Source : AD83 7 E 66/1 BMS La Garde
Et finalement, alors qu'elle est veuve, Marie Chicot succombe à la
tentation de la religion catholique, à l'âge de 70 ans. Elle abjure le 13 avril1762, devant pas moins de trois prêtres qui signent l'acte.
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